Quand deux professeurs interpellent la Direction de l’Ecole et le comité des Anciens sur des incohérences apparentes dans les communiqués

Début mars 2021, deux professeurs de Mathématiques de Ginette alertèrent la Directrice et  la Fondation que le nombre d’internes de la réussite suivis semblait largement sous-estimé. À l’aide d’un travail méticuleux fondés sur les rapports internes de l’Association Ecole Sainte-Geneviève, et notamment des rapports du CA de Ginette, ils en avaient dénombré exactement 242 au lieu des 225 annoncés dans une newletter de février 2021 de Ginette Alumni.

Jugeant que les réponses que la directrice de Ginette leur avait fournies n’était pas cohérentes, l’un d’entre eux s’adressa directement par courriel au comité des anciens pour poser ses questions. Nous reproduisons son courriel in extenso en retirant simplement les noms et des données permettant d’identifier ce professeur précisément.

Chers Membres du Comité,
(Je n'ai pas trouvé les adresses des quatre membres suivants : X, XX, 
XXX, XXXX. Je compte donc sur vous pour leur transmettre mon message.)
Certains d'entre vous me connaissent peut-être. Je suis ancien de la BJ 
(XXXX-XXXX) et professeur dans l'établissement depuis XXXX. Permettez-moi, 
tout d'abord, de vous exprimer ma reconnaissance pour l'aide que vous 
apportez, de manière entièrement bénévole, au rayonnement de Ginette 
Alumni, sous toutes ses formes, et à la vitalité de la communauté des 
anciens. Comme vous je suis très attaché à cette école où j'ai effectué 
ma prépa et passé la quasi-totalité de ma carrière professionnelle.

L'Internat de la Réussite est une des très belles réalisations de la 
décennie passée et je suis, comme vous l'êtes tous également, fortement 
attaché aux principes de ce dispositif d'ouverture sociale : permettre 
à des jeunes de milieux modestes, de catégories socio-professionnelles 
moyennes ou intermédiaires, de zones rurales, petites et moyennes villes 
de province, ou de banlieues sensibles, d'accéder à un environnement de 
rêve, si tant est que leur niveau scolaire et leurs qualités humaines 
répondent aux exigences draconiennes du jury d'admission de Ginette. 
En lisant les témoignages d'anciens élèves, dont certains sont passés 
dans ma classe, je me réjouis que nous ayons pu, ainsi, leur permettre 
de bénéficier de cesconditions exceptionnelles pour faire leurs études. 
Je me souviens aussi de la visite d'une délégation venue de Chine pour 
connaître le fonctionnement des classes préparatoires en France et de 
la stupéfaction de ses membres lorsqu'ils ont appris que les frais de 
pension à Ginette dépendaient des revenus des parents.

Je voudrais, par ce message, vous informer d'un point technique 
préoccupant qui vous intéressera probablement. Il existe un hiatus entre 
la communication qui est faite, d'une part par la Fondation Ginette 
autour des internes de la réussite, d'autre part par Ginette Alumni 
via la Revue Servir, et d'autre part encore dans la communication 
interne à l'Association École Sainte-Geneviève (rapports moraux de 
l'AESG, rapports du CA de Ginette).

Je pense qu'une équipe de professeurs volontaires serait prête à 
aider la Direction de Ginette à remettre en place une base de 
données propre des internes de la réussite et à la communiquer à 
la Fondation. Cela permettrait de profiter de notre expertise dans 
la lecture et l'analyse statistique des résultats aux concours. 
Le nombre d'admis depuis 9 ans (7 promos ont passé les concours) 
est maintenant suffisamment important pour que ce travail statistique 
soit pertinent et cela permettrait ainsi de confirmer l'efficacité 
du dispositif à ouvrir Ginette à des élèves à d'excellents potentiels 
qui ne pourraient pas, sinon, venir chez nous.

Je vous fais part à nouveau de tout mon attachement à cette belle école,

XXXX XXXXXXXX

Voici quelques éléments troublants sur les chiffres dont nous disposons 
en tant que professeurs de l'école.
(1) Les statistiques d'intégration des internes de la réussite aux 
concours2017, publiées dans le Servir de décembre 2017, semblent 
largement incomplètes. D'après les documents internes à l'AESG, 
il y en avait 6 quiétaient 5/2 cette année-là, et 32 sup l'année 
précédente, si bien que 38 internes de la réussite étaient susceptibles 
de passer les concours. À moins de réorientations massives en cours et 
fin de première année qui nous auraient échappé, une petite dizaine 
d'internes  de la réussite n'ont pas eu leur résultat renseigné dans 
Servir. C'est  d'autant plus problématique que c'est l'unique numéro 
de Servir mentionnant des résultats d'IR. Enquête est probablement 
à mener sur l'origine de ce hiatus, mais un correctif s'impose 
certainement. Il serait bon, au passage, de séparer les résultats 
par filière et de bien préciser toutes les écoles (en particulier 
en voie agro), ce qui rendrait la communication des résultats 
plus claire pour tout le monde.

(2) À la lumière du point précédent, une ré-étude du nombre d'élèves 
internes d'excellence/de la réussite suivis par Ginette Solidarité 
(la caisse, de 2012 à 2014, puis le Fonds, à partir de 2014) s'imposait. 
À l'aide d'informations fraîches sur les admis de 2020, communiquées 
par Madame Rousselot, on arrive à 242 élèves suivis jusqu'à ce jour 
(plus ou moins deux), dont 2 élèves réorientés en interne (et étant 
donc passés par 2 années de sup différentes : à chaque fois MPSI suivi 
de EC). Il semblerait que le Fonds ignore les élèves de la première 
génération des internats d'excellence (2012-2014), si bien que les 
élèves suivis par le Fonds seraient au moins au nombre de 242-14=228. 
En tout état de cause, le nombre de 225 annoncé (Newsletter d'Alumni 
du 9 février 2021) est incorrect.

Un point important est à signaler quant aux calculs du professeur (alinéa 2 dans son post-scriptum) : en réalité, les chiffres qui lui avait été communiqués une semaine plus tôt par Manuela Rousselot sur le nombre d’IR rentrés en sup en 2020 étaient contradictoires avec ceux dont disposait le Fonds : Madame Rousselot lui en avait indiqué 25, quand le Fonds en annonce 26 et utilise ce chiffre dans ses propres calculs. Par ailleurs, le professeur raisonne a minima par rapport à la première génération d’interne d’excellence, considérant qu’ils ont tous intégrés en 2014. Or, en épluchant la communication ultérieure et en croisant avec d’autres informations, on a eu la confirmation qu’un interne d’excellence avait redoublé (5/2 en 2014/2015) et devait donc compter comme interne de la réussite dans les calculs du Fonds. Ainsi, le bon calcul est non pas 242-14=228, mais 243-13=230.

Une réponse qui appelle … d’autres questions !

En réponse, Frédéric Danel commença par envoyer un message au comité en incluant involontairement le professeur dans la liste des destinataires. Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité de ce message. Le ton de la fin du message me semble particulièrement intéressant compte tenu du caractère somme toute banal de la demande initiale.

Bonjour à tous,

L’écart de 3 vient de 3 5/2 qui sont actuellement à Ginette et 
qui ont été intégrés dans les tableaux après le partage d’informations. 
Il y a toujours des spécificités à prendre en compte : élève qui font 
1A dans une filière puis change de filière et font donc 3 ans, 
des étudiants qui arrivent directement en 5/2 et qui bénéficient 
d’aides, donc 1 an seulement de scolarité, ce qui arrivent et qui 
repartent, etc… C’est pour caque j’ai introduit la notion d’années 
financées, pertinente à mon sens pour voir l’impact de la 
générosité des Anciens.
Pour que ce soit explicite :
- 14 IE (initiative avant le Fonds Ginette, avant la Fondation Ginette) 
=> pas pris en compte dans les calculs de la Fondation. 
Le suivi de la Fondation intègre ce que le Fonds a fait en son 
temps et la Fondation, pas ce qui s’est passé
avant. Pour info, ces derniers ont très bien intégrés : 
1 ENS Ulm, 2 X, 2 Sup Optique, 2ISAE Sup Aéro, 1
CentraleSupélec, 1 Centrale Lille, 1 ENSTA, 1 SupMeca, 
1 Essec, 1 Arts et Métiers ParisTech, 1 Carmel => nous les
connaissons mais je ne l’ai jamais intégré dans les stats et 
calculs donc je nevais pas changer de méthode.
- 167 intégrés dont nous avons fourni le détail à ce comité, 
et à un alumnus qui a posé la questiond irectement.
Rappel :
8 Normale Sup (Paris, Saclay, Lyon)
25 X
29 Centrales, dont 19 Paris
16 Arts et Métiers (ENSAM)
7 Mines dont 5 Paris
6 HEC
4 Essec
5 EM Lyon
3 ESCP
2 autres écoles de commerce (Kedge et Neoma)
9 Véto/Agro
38 autres écoles d'ingénieur (Sup Aéro, ENSAE, Sup Optique, 
Chimie Paris Tech, Telecom, INPG,ESTP, ...)
8 5/2 extérieurs
7 réorientés
- 26 étudiants actuellement en 1A à Ginette
- 35 étudiants actuellement en 2A à Ginette dont 3 5/2
On a bien 14 + 167 + 26 + 35 = 242 au total QUELQUE SOIT LE NOM 
QUI A SERVI A FINANCER (caisse,fonds,
fondation).
Nous (par nous j’entends X XX et moi) avons une base de données 
très claire et complète, qui reste confidentielle pour le 
respect des élèves. Quand nous souhaitons un témoignage (toujours des 
intégrés, jamais des élèves actuellement à Ginette), je contacte 
personnellement un nombre restreint de jeunes. Je ne relance jamais ceux
qui ne répondent pas, je n’insiste jamais. Dernière demande en date 
pour le rapport annuel en construction : 5
contactés, 3 réponses immédiates.
Cette réponse que je fais et celle que je souhaite envoyer à M. XXX, 
en répondant en mon nom uniquement afin
que le comité puisse s’en détacher s’il le souhaite, puisque c’est 
le comité qui est interpellé. Je n’ai pas envie de rentrer dans des 
comparaisons statistiques de groupe d’élèves. Les intégrations sont 
bonnes, dignes de Ginette. Point. Nous parlons d’élèves, pas de 
case Excel à cocher et à entrer dans des modèles mathématiques 
absolument inutiles. Le vrai enjeu pour moi n’est pas d’analyser 
40 fois ce que ca donne à la sortie, mais de faire en sorte que moins de
jeunes s’autocensurent et qu’ils s’autorisent à postuler à Ginette.
Si les membres de ce comité ont un point de vue différent, je suis 
prêt à l’entendre.

D’abord, Frédéric Danel semble légèrement confus : comme on l’a démontré dans le feuilleton sur les mécomptes de la Fondation, tous les comptes qu’il avait faits jusqu’à fin 2020 intégraient la première génération des internes d’excellence, et c’est seulement à partir de cette synthèse de fin 2020 qu’il peut les avoir omis. Ensuite, il se trompe sur le nombre d’internes d’excellence ayant intégré en 2014 : seuls 13 ont intégré, un est resté en 5/2 et il a intégré Polytechnique l’année suivante (il fait donc déjà partie des 25 IR qui auraient selon lui intégré Polytechnique de 2015 à 2020). À ce stade, un hiatus de 2 élèves est confirmé avec les chiffres officiels de l’AESG : pire, les calculs des professeurs se fondaient sur une hypothèse où la totalité des IR arrivaient à Ginette en première année. Si des IR sont arrivés directement en 3/2 ou en 5/2 (phénomène dont on n’avait jamais entendu parler auparavant) alors le hiatus est encore plus grand puisque le professeur aurait oublié des IR dans son calcul !

Et ils sont où, les réorientés ?

Mais ce qui a le plus alerté les professeurs dans la réponse de Frédéric Danel, c’est le nombre anormalement faible d’élèves réorientés, c’est-à-dire d’élèves qui ont quitté Ginette, de gré ou de force, en cours ou en fin de première année. Une semaine plus tôt, devant les deux professeurs qui s’étaient inquiétés des incohérences de comptage, Madame Rousselot avait annoncé, les yeux rivés sur son fichier informatique et après un décompte méticuleux, 14 réorientés pour les internes de la réussite recrutés entre 2013 et 2019, citant même nommément quelques internes de la réussite qui avait quitté Ginette avant qu’elle ne prenne ses fonctions à Ginette. Ce chiffre correspondait, selon ces professeurs, à leurs propres estimations. Madame Rousselot leur avait même précisé qu’il y avait eu 7 réorientés pour les élèves recrutés de 2013 à 2016, et 7 pour les élèves recrutés de 2017 à 2019. En concordance avec la communication erronée de 2017 (voir Les mécomptes de Ginette Solidarité, épisode 1 : la newsletter de 2017), les deux professeurs avaient alors cru que l’erreur de déclaration sur les réorientés pouvait provenir du fait que les 7 réorientés de la première période précédente n’avaient pas été pris en compte.

Deux jours après la réception du mail de Frédéric Danel, le professeur destinataire réinterroge Madame Rousselot au détour d’un couloir : et elle lui confirme le nombre de 14 réorientés, alors que la veille Jacques Monnet annonçait par mail à son comité que la réponse de Frédéric Danel était validée par la Directrice.

Il semblerait donc qu’il y ait une réalité entre les murs de Ginette, une autre hors-les-murs…

La suite dans l’épisode 3.

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